Un cadre du DIP pose nu 
sur les réseaux

Directeur d’un service du Département de l’instruction publique, un fonctionnaire pose nu sur des clichés pour des revues érotiques LGBT. De quoi interpeller certains collègues et le monde politique.

  • Comme sur cette photo prétexte, un directeur au DIP publie des photos suggestives de lui sur Internet. Photo 123RF

«Il s’agit d’une situation dont le DIP a connaissance et qui est suivie par les services compétents»

Lauranne Peman-Bartolini, chargée de la communication auprès du DIP

Sur les clichés, on le voit poser au bord du Rhône en exhibant son fessier et sa musculature saillante. Mais aussi à Mykonos, dans des postures suggestives, où il se met en scène, le plus souvent presque nu, en faisant tout de même l’effort de cacher son sexe, parfois d’une main ou d’un accessoire. Sur les réseaux, il se présente comme un papa sexy, travaillant dans le système éducatif, partageant son temps entre Genève et la France. Certaines de ses photos ont même été publiées par des magazines spécialisés pour la communauté LGBT. Mais ce qu’il oublie de préciser, c’est son véritable rôle professionnel: Jean-Claude* n’est autre que le directeur d’un service au Département de l’instruction publique (DIP), une fonction de haut rang au sein de l’administration.
De quoi interpeller certains de ses collaborateurs et collègues, qui s’interrogent sur son activité extraprofessionnelle: «Un fonctionnaire avec un poste à haute responsabilité qui s’affiche presque tout nu sur Internet. Au départ, j’ai cru à une blague. Mais en fait c’est bien réel. Maintenant que je l’ai vu dans son plus simple appareil, je ne sais pas si je pourrai le regarder dans les yeux», plaisante à demi-mot une collègue. Pour un autre employé, le comportement serait même problématique: «Comment prendre au sérieux une personne qui s’affiche le cul à l’air sur les réseaux? Ça jette le discrédit sur tout l’Etat.»
Exemplarité
Côté politique, ici aussi on s’étonne qu’une telle situation puisse se produire. Membre de la commission du personnel de l’Etat, le MCG François Baertschi s’interroge: «Une fonction de directeur au DIP n’exige-t-elle pas une certaine exemplarité pour le public et pour les collègues? Il doit tout de même donner des directives à des collaborateurs. En publiant sciemment des photos borderline de lui sans cacher son identité, il crée une situation problématique.»  
Engagements et contrôles
L’élu pointe également du doigt les processus d’engagements au sein de l’Etat, notamment lorsqu’il s’agit de frontaliers. «Il est étonnant que des vérifications plus poussées ne soient pas faites, particulièrement au moment de l’embauche. Dans ce cas, une simple recherche sur Google aurait permis de découvrir le pot aux roses. Mais peut-être est-ce plus difficile pour les autorités genevoises d’obtenir des documents en France, comme un certificat de bonne vie et mœurs? Si c’est le cas, c’est un véritable problème», relève celui qui est également président du MCG.
Pour François Baertschi, il s’agit également de respecter un certain droit de réserve, qui plus est lorsqu’on travaille dans un secteur en lien avec des enfants. «Des parents pourraient être gênés, à juste titre, de découvrir ce type de clichés sur la toile.» Règles fixées 
Mais justement. D’un point de vue légal, que disent les règles fixées par le DIP? Que peut faire ou non un collaborateur sur son temps libre? Précisons qu’il s’agit de distinguer ceux qui sont en contact avec les enfants et ceux qui ne le sont pas. A ce titre, on se souvient du cas très médiatisé de Chloé Frammery, enseignante genevoise licenciée pour avoir remis en cause l’honnêteté de son employeur, contesté la régularité de la votation fédérale sur la loi Covid et tenu des propos dissuasifs sur la vaccination alors qu’elle était en classe. En dernière instance, le Tribunal fédéral avait confirmé la sanction, en estimant que les propos tenus constituaient un manquement à ses devoirs et obligations d’enseignante.
Situation «suivie» par le DIP
Dans le cas de Jean-Claude, qui n’est pas en contact direct avec les enfants, la situation est différente. Pourtant, pour les autorités, le comportement en cause semble bien poser problème. «Il s’agit d’une situation dont le DIP a connaissance et qui est suivie par les services compétents», confirme Lauranne Peman-Bartolini, secrétaire générale adjointe chargée de la communication auprès du Département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse. Qui rappelle également que les règles qui encadrent ses collaborateurs: «Le cadre légal prévoit que les membres du personnel de l’Etat se doivent, par leur attitude, de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet».
«Attitude et comportement attendu»
Mais ce n’est pas tout. Le Département rappelle également qu’il dispose d’une directive interne pour cadrer l’attitude et le comportement attendu aussi bien de la part des membres du personnel enseignant que du personnel administratif et technique, que ce soit dans les sphères professionnelles ou privées.
Le fonctionnaire s’expose-t-il à des sanctions? «Nous gérons ce type de situation en gardant à l’esprit le devoir d’exemplarité auquel sont soumis nos collaboratrices et collaborateurs, en tant que représentants de la fonction publique auprès des élèves et de leurs parents», répond le DIP.
Sanction ou résiliation
Et l’amateur d’effeuillage risque potentiellement gros. «De manière générale, les membres du personnel qui enfreignent le cadre légal auquel ils sont soumis risquent soit une sanction soit une résiliation des rapports de services», détaille la secrétaire générale adjointe.
Sur Internet, Jean-Claude semble avoir pris conscience du problème, puisque son vrai prénom, accolé à ses nombreuses photos de charme, a désormais été remplacé par un prénom d’emprunt. De quoi rassurer son employeur et ses collègues?
* prénom d’emprunt

Déjà, à Berne, en 2014...

Nos révélations font écho à un scandale éclaté à Berne en 2014, lors duquel une ancienne employée de la Confédération avait défrayé la chronique en publiant des photos de sa poitrine depuis son bureau. Les médias avaient alors retrouvé sur Internet des photos et des vidéos à caractère sexuel de celle qui était secrétaire de la Commission des affaires juridiques. La principale intéressée avait tenté d’échapper à la vindicte populaire en ne répondant plus aux sollicitations et même en se coupant les cheveux. Une stratégie qui ne s’est pas révélée payante, puisque la fonctionnaire avait finalement été licenciée du Palais fédéral, malgré son travail qualifié d’exemplaire sur le plan professionnel.
Face à une affaire qui a fait grand bruit, l’ancienne secrétaire a finalement décidé de s’expatrier dans le sud de la France avec toute sa famille pour échapper à la pression, notamment médiatique. Et devenir actrice pornogra- phique pour le compte de grosses productions.